Philippe Sollers, Kafka

viernes, octubre 24, 2014



« et voici qu'on nous dit de plus en plus souvent que

 la bonne clé serait le comique.

Kafka devient un joyeux garçon athlétique,

un simulateur expert en canulars,

un plaisantin à dormir debout.

Le Procès, Le Château, La Métamorphose, mais c'est à se tordre de rire, d'ailleurs Kafka lui-même riait aux éclats en les lisant à ses amis... D'une exagération à l'autre? Appelons Kafka, en effet, ce point d'excès et d'incertitude, cette vibration inquiète de la critique,

tantôt déprimée, tantôt trop gaie pour être gaie.

 Où est le vrai Kafka ?

Prophète du malheur indicible des camps, comme de la ruine de l'Europe centrale ? Théosophe ? Kabbaliste ?

 Intelligence suprême du roman inutile?

Fonctionnaire de l'absurde ?

Farceur?

 Juif honteux ? Juif essentiel? Malade? Tranquille employé d'assurances? Habitué des bordels? Amoureux transi? Séducteur rusé, serpentin?

Halluciné complet?

Analyste froid et lucide? Kafka bouge, s'évanouit, revient; son regard vous transperce, vous hante : yeux brûlants des photos,

dandy noir lumineux...

Mon hypothèse est qu'on ne veut rien savoir de Kafka.

Ou le moins possible. C'est un déclencheur automatique de perturbations d'identités. Par rapport à lui, nous nous sentons immédiatement coupables, « nous l'avons tous tué », son histoire nous dépasse, vertige, migraine, amnésie, nausée. Rire nerveux. Frisson angoissé.

Personne ne veut d'un Kafka simple dans sa complication apparente, ni d'un Kafka compliqué

parce que sa simplicité touche à une évidence toujours niée : la littérature.»

Philippe Sollers

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