Jacques Derrida Le texte

martes, abril 27, 2021

 "Dans son introduction à Jacques Derrida, Marc Goldschmit note que la

notion du texte peut être une voie d’accès à la pensée de l’auteur. Il explique

en effet que dans « le labyrinthe de la pensée de Derrida, le concept de « Texte »,

le problème des frontières et des limites du texte peuvent constituer un fil d’Ariane

pour la lecture». Ce qui marque lorsqu’on s’arrête sur la notion de texte chez

Derrida, c’est la tournure qu’il fait prendre à celui-ci. Comme le remarque

Goldschmit,


« Derrida repense et subvertit radicalement le concept de texte et l’idée de

textualité, bouleversant par là nos pratiques les plus traditionnelles de lecture

et de pensée». En quoi Derrida bouleverse-t-il notre conception traditionnelle

du texte ? En élargissant les limites de celui-ci qui devient ainsi un texte général

selon le principe que tout est texte et que « tout dans ce texte est généralisé en

somme».  « tout ce qui est est dans le texte texte», « Il n’y a pas de hors».

Dans La dissémination, Derrida définit d’abord le texte comme une texture. IL

entend par là, conformément à l’étymologie du mot, tissu, toile. Il ajoute toile

de toile.


Le texte est un tissu qui peut mettre des siècles à dérouler sa toile


se régénérant sans cesse derrière le geste de lecture qui tente de la suspendre.

Outre le fait que le texte soit un tissu qui déroule infiniment l’étendue de sa toile,

le texte se donne ensuite comme une « double séance », c’est-à-dire une réalité

formée de deux parties, « dont l’une seulement est visible, lisible pour avoir été

du moins publié». De par le phénomène de « la double séance », le texte est un

« texte à demi-absent » puisque une de ses faces échappe à la visibilité. Mais en

réalité, et c’est la troisième définition que l’on rencontre de façon marquée dans

La dissémination de Jacques Derrida,


le texte est une quadrature, c’est-à-dire un dispositif composé de quatre faces.


Ce qui permet d’identifier ces faces, c’est le temps de leur écriture ou de leur

manifestation.


Trois des quatre côtés du dispositif sont à l’imparfait. Et une des faces est au présent.


Cette face qui s’écrit et se donne à nous au présent, Derrida la nomme la

« surface quatrième ». La surface quatrième c’est « l’ouverture de présence ».

« Ouverture de présence » signifie d’abord


la face du texte tournée vers le regard du lecteur,


« l’ouverture découpée, pratiquée en forme de scène actuellement visible et

parlante pour le spectateur-lecteur». Elle indique ensuite le « surgissement

incessant » de l’unité primitive et mythique qu’est la présence. C’est sur la

surface quatrième que quelque chose de l’ordre de la présence peut jaillir et

se faire jour dans le cadre textuel. La surface quatrième est « cette ouverture,

[…] par laquelle le présent semble se libérer». Cela dit, si la surface quatrième

est le lieu d’apparition, de « présentation » de la présence, pourquoi Derrida

affirme-t-il que


le texte manque de présence et qu’il demeure toujours imperceptible » ?"



"Derrida nous dit qu’un texte n’est un texte que s’il cache au premier venu

la loi de sa composition et la règle de son jeu.


Ce qui signifie que cette règle et cette loi se dissimulent au premier regard

au sens où il n’en a pas conscience. Car la loi et le mouvement du jeu

demeurent imperceptibles pour le lecteur du fait qu’ils manquent à la perception.

S’ils sont imperceptibles et qu’ils manquent à la perception, c’est parce qu’ils

sont irreprésentables disons imprésentables."



"Commençons par la loi de composition du texte. Entendons par là, les

« techniques de son agencement». Parmi lesquelles on note


la technique de la greffe textuelle.


Selon un propos fort de La dissémination,


« Ecrire veut dire greffer». C’est pratiquer une greffe.


Mais cette greffe ne survient pas à quelque chose qui aurait été présent et qui

aurait reçu l’implant d’un texte second. Selon la logique de la greffe il n’y a pas

de « propre » d’une chose ni de « texte original ».


Un texte est toujours déjà un texte de texte.


Sans que quelque réalité échappe à cette logique même pas l’auteur, ni le lecteur,

ou quelques autres instances qui voudraient dire le texte en son dehors sans en

être contaminé.


Tout est greffe et greffe de greffe textuelle.


« Il n’y a rien avant le texte, dit Derrida, il n’y a pas de prétexte qui ne soit un texte».

La loi de la greffe nous met au minimum devant deux textes qui se contaminent

l’un l’autre. « Chaque texte greffé continue d’irradier vers le lieu de son prélèvement,

le transforme en affectant le nouveau terrain». Mais chaque» de texte ne se conçoit

et ne se construit qu’au pluriel. « La transplantation est multiple part en part.

« Elle est d’abord nombreuse ou elle n’est pas». L’implication majeure de cette loi

de greffe textuelle, c’est le caractère régénérant du texte. La greffe ne dépend pas

d’une maîtrise transcendantale ou subjective qui par un procédé de copier coller

la produirait. La greffe appartient à la propension du texte à se régénérer, à se

reproduire derrière le geste qui la coupe. Se régénérant sans cesse, le texte s’écrit.

De lui-même. Il s’explique également… de lui-même.  Derrida insiste :


« le texte […], s’écrit et se lit, présente lui-même sa propre lecture, présente

sa propre présentation et fait le décompte de cette opération incessante»."



"Selon ce qui précède le texte est récalcitrant à la présence au sens où non

seulement il s’écrit mais aussi il se lit. Il s’écrit incessamment de lui-même

et déploie les conditions de sa propre lecture. Déployant les conditions de sa

propre lecture,


il fait du lecteur un texte qui s’écrit sous l’impact du texte qu’il pensait lire.


Le texte devant lequel se trouve le lecteur n’est pas un « écrit déjà »


mais un « être-en-train-de » s’écrire qui met en scène le lecteur.


Ce dernier


« Ayant à mettre en scène, il est mis en scène, il se met en scène».


Lecteur écrivant le texte qu’il croit lire,


il peut difficilement choisir sa place, choisir une place, énoncer une présence

quelconque dans cet objet qui ne souffre d’aucune stabilité et qui n’est pas

un fini déjà. L’ « être-en-train-de » qu’est le texte ne s’aplatit pas à la « surface

d’un présent homogène et évident». Et cela est dû pour beaucoup à la structure

même de la surface quatrième."



"« La présence n’est jamais présente».


séminale de la trace, la pratique comptable de la dissémination."


« Le jeu est la disparition de la présence."


Brice Levy Koumba Texte et présence dans La dissémination de Jacques Derrida


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