Derrida Si la langue n'était pas déjà, en ce sens, une écriture, De la grammatologie
domingo, octubre 20, 2013
"Telle serait donc la trace originaire.
Sans une rétention dans l'unité minimale de l'expérience temporelle,
sans une trace retenant l'autre comme autre dans le même,
aucune différence ne ferait son œuvre et aucun sens n'apparaîtrait. Il ne s'agit donc pas ici d'une différence constituée mais, avant toute détermination de contenu, du mouvement pur qui produit la différence.
La trace (pure) est la différance.
Elle ne dépend d'aucune plénitude sensible, audible ou visible, phonique ou graphique. Elle en est au contraire la condition. Bien qu'elle n'existe pas, bien qu'elle ne soit jamais un étant-présent hors de toute plénitude,
sa possibilité est antérieure en droit à tout ce qu'on appelle signe
(signifié/signifiant, contenu/expression, etc.), concept ou opération, motrice ou sensible. Cette différance n'est donc pas plus sensible qu'intelligible et elle permet l'articulation des signes entre eux à l'intérieur d'un même ordre abstrait — d'un texte phonique ou graphique par exemple — ou entre deux ordres d'expression.
Elle permet l'articulation de la parole et de l'écriture
— au sens courant — comme elle fonde l'opposition métaphysique entre le sensible et l'intelligible, puis entre signifiant et signifié, expression et contenu, etc.
Si la langue n'était pas déjà, en ce sens, une écriture,
aucune « notation » dérivée ne serait possible ; et le problème classique des rapports entre parole et écriture ne saurait surgir. Bien entendu les sciences positives de la signification ne peuvent décrire que l'œuvre et le fait de la différance, les différences déterminées et les présences déterminées auxquelles elles donnent lieu. Il ne peut y avoir de science de la différance elle-même en son opération, non plus que de l'origine de la présence elle-même, c'est-àdire d'une certaine non-origine."
Derrida, De la grammatologie, p. 92
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