La notion du corps sans organes

martes, febrero 25, 2014


"Si Carroll reste en effet le héros de l'organisation secondaire de l'inconscient, Artaud est celui de l'organisation primaire qui échappe de justesse au chaos, et en garde la forme du « non-marqué », définissant la surface comme coupe du chaos, virtualité virginale."

"La notion vient donc directement des textes où Artaud évoque le corps soudé et fluide sans organes, seulement fait d'os et de sang, en ces termes:

« Pas de bouche Pas de langue Pas de dents Pas de larynx Pas d'œsophage Pas d'estomac Pas de ventre Pas d'anus Je reconstruirai l'homme que je suis».

Encore faut-il corriger ces remarques sur deux points, acquis dans le Francis Bacon

1) l'ossature est encore du côté de l'organique;

2) le corps sans organes n'est pas à proprement parler inorganique, mais peuplé d'organes indéterminés."

"Une deuxième origine de l'apparition du CsO se trouve dans la lecture deleuzienne de l'Esquisse de 1895 de Freud.

« La vie biopsychique se présente sous la forme d'un champ intensif où se distribuent les différences déterminables comme excitations, et les différences de différences, déterminables comme frayages».

Deleuze assimile la rencontre des flux à la « tension psychique» (Habitus), la résonance qui en résulte à Eros, le mouvement forcé à Thanatos.

Ce seront ces termes, « couplage », « résonance», « mouvement forcé », que Deleuze reprendra inlassablement pour désigner la rencontre des plis, en y associant, éventuellement dans un ordre différent, trois synthèses.

Dès ce moment la psychanalyse est pour Deleuze « de la géographie»

« Une psychanalyse doit être de dimensions géométriques avant d'être d'anecdotes historiques».

« Toute la vie biopsychique est une question de dimensions, de projections, d'axes, de rotations, de pliages». Et donc aussi de plans."

"Deleuze en tire ou en renforce l'opposition du nomos (le partage légal) et du nomade (la distribution aléatoire)

et les deux manières d'occuper l'espace

« se répartir dans un espace ouvert, répartir dans un espace fermé».

Cette idée donnera la différence entre « lisse » et « strié ». Le CsO, de ce point de vue, marque la limite du corps nomade, un corps virtuel, non marqué, lisse."

"Deleuze note avec Valéry la profondeur du moi-peau, il affirme :

« ce qui est plus profond que tout fond, c'est la surface»"

"Le CsO est donc une surface.

Mais elle est aussi la réponse schizophrénique au corps morcelé, aux membra disjecta et aux mauvais objets partiels. Contre eux est conçu:

« ce néant blanc, surface redevenue calme, où nottent des déterminations non liées, comme des membres épars, têtes sans cou, bras sans épaule, yeux sans front »"

"Le CsO peut donc être défini

«un ensemble non-marqué de complexes de rapports de voisinage (le spatlum, les loci), attendant d'être sillonné de lignes abstraites.).

Pour le schizophrène, il est

« un œuf, traversé d'axes, de seuils, de latitudes et longitudes, de géodésiques, gradients, qui marquent des devenirs et de passages »,

ou encore:

« une surface glissante, opaque et tendue, nuide amorphe indifférencié»,

et sous l'aspect du négatif, lorsque l'on tend vers la loque droguée et l'autiste:

« l'improductif, le stérile, l'inengendré, l'inconsommable»"

"« la limite des corps pleins»."


"Tel serait aussi le « corps sans organes» dont parle Antonin Artaud,

improductif, inengendré, inconsommable.

Au lieu du corps dont le flux d'énergie est canalisé et organisé par les « machines désirantes »,

plus d'organisation du tout

« un pur fluide à l'état libre et sans coupure, en train de glisser sur un corps plein »"


Le Vocabulaire de Gilles Deleuze
Sous la direction de Robert SASSO et Arnaud VILLANI

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