Virtuel et Multiplicité

miércoles, febrero 19, 2014



"ce que Deleuze explique ainsi

« il y a autre sans qu'il y ait plusieur.».

C'est le sens profond du rapport entre virtuel et multiplicité qui commande chez Bergson la distinction entre

deux multiplicités,

dont Deleuze fait la clé de son propre système.

La multiplicité quantitative

fait plusieurs de l'un,

reste une multiplicité d'extériorité,

de juxtaposition partes extra partes,

de différence de degré (l'espace chez Bergson).

La multiplicité qualitative

se transforme elle-même en changeant de nature (en se divisant).
La durée est une telle multiplicité intensive, hétérogène et continue (3) « le subjectif, ou la durée, c'est le virtuel. Plus précisément, c'est le virtuel en tant qu'il s'actualise, en train de s'actualiser, inséparable du mouvement de son actualisation. Car

l'actualisation se fait par différenciation,

par lignes divergentes,

et crée par son mouvement propre autant de différences de nature. [ ... ] [Une telle multiplicité] va du virtuel à son actualisation, elle s'actualise en créant des lignes de différenciation qui correspondent à ses différences de nature. Une telle multiplicité jouit essentiellement des trois propriétés de la continuité, de l'hétérogénéité et de la simplicité »"

"Selon Deleuze, « la meilleure formule pour définir les états de virtualité serait celle de Proust: "réels sans être actuels, idéaux sans être abstraits" »"


"Mais « la notion de sens [prend] le relais des

Essences défaillantes»,

et « la structure », qui « n'a rien à voir avec une essence »,

devient « la réalité du virtuel».

« De la structure, on dira:

réelle sans être actuelle,

idéale sans être abstraite.

Le virtuel est « Idée »,

« réelle sans être actuelle,

différentiée sans être différenciée,

complète sans être entière»

« Incorporel », « événement pur», le virtuel devient une « multiplicité», l'événement pur» ou « la réalité du concept »."


"Le virtuel a donc cette prééminence sur l'actuel

il « fait passer» le devenir,

il assure à ce qui n'est pas actuel un mode d'existence spécifique qui garantit l'actualisation.

« (Tous les virtuels) appartiennent à un Temps unique, ils coexistent dans une Unité,

 ils sont enveloppés dans une Simplicité, ils forment les parties en puissance d'un Tout lui-même virtuel. Ils sont la réalité de ce virtuel.

Tel était le sens de la théorie des multiplicités virtuelles, qui animait le bergsonisme dès le début»"

"lorsqu'il (le virtuel) s'actualise, il se différencie,

d'où les deux moments de la différence"

"Virtuel et actuel forment donc les pôles solidaires d'un mouvement vital qui est celui de la différenciation. « Ce qui est premier dans le processus d'actualisation, c'est la différence -la différence entre le virtuel dont on part et les actuels auxquels on arrive, et aussi la différence entre les lignes complémentaires suivant lesquelles l'actualisation se fait.

Bref le propre de la virtualité, c'est d'exister de telle façon qu'elle s'actualise en se différenciant, et qu'elle est forcée de se différencier».

Alors, « l'actualisation du virtuel se fait toujours par différence, divergence ou différenciation. [ ... ] L'actualisation, la différenciation, en ce sens, est toujours une véritable création»"


"La théorie du rapport du virtuel et de l'actuel est la pièce maîtresse de l'ontologie deleuzienne parce qu'elle sert à libérer la philosophie du devenir de l'opposition de l'essence et de l'existence (l'existence comme réalisation contingente de l'essence), comme du possible et du réel (le possible préexistant logiquement au réel)."

"Il s'agit pour Deleuze de penser le devenir sans le rabattre sur une réalisation linéaire du possible.

Le virtuel n'existe pas moins que l'actuel,

l'actuel n'est pas le développement du virtuel,

le temps n'est pas une ligne de développement successive du virtuel à l'actuel.

Ainsi, le virtuel se distingue du possible:

lº parce que le virtuel, sans être actuel, possède toujours une réalité, ce qui n'est pas le cas du possible;

2° la réalisation du possible est soumise aux règles essentielles de la « ressemblance » -le réel est à l'image du possible, ayant seulement l'existence « en plus» -et de « la limitation », puisque le possible est tenu pour l'égal du réel en droit; il faut cette condition pour expliquer que tous les possibles ne se réalisent pas."

"L'actuel n'est pas la suppression du virtuel, mais sa phase adverse et réversible.

<< Il n'y a pas de virtuel qui ne devienne actuel par rapport à l'actuel, celui-ci devenant virtuel sous ce même rapport c'est un envers et un endroit parfaitement réversibles».

Le virtuel n'est donc pas une réserve d'être antérieure à l'actuel, ni une puissance, destinée à se résoudre dialectiquement en actuel, mais une réalité solidaire en position de présupposition réciproque, ou de réversibilité» avec l'actuel.

Le virtuel et l'actuel sont donc les deux phases solidaires du réel qui existent au même titre, mais non de la même manière, et jamais simultanément.

 Le virtuel ne s'oppose pas au réel, mais seulement à l'actuel. Le virtuel possède une pleine réalité, en tant que virtuel».

Ils forment le couple hétérogène qui anime la différenciation en tant qu'

ils sont tous deux pleinement réels.

C'est ainsi qu'il faut lire la thèse difficile de l'univocité de l'être.

L'être se dit de la même façon de ce qui existe actuellement et virtuellement,

ce qui n'équivaut ni à les confondre, ni à les identifier, mais à les différencier.

L'actuel est donc la présupposition du virtuel et réciproquement.

<<Distincts, mais indiscernables, tels sont l'actuel et le virtuel qui ne cessent de s'échanger».

Cet échange» interdit de poser leur articulation comme négation dialectique, réalisation, ou succession on ne passe de l'actuel au virtuel ni en développant le possible logique en compossible réel (Leibniz), ni par succession temporelle (conception téléologique de l'histoire), mais par devenir."

"pour faire le multiple, et pas seulement « le dire »,

il faut amener le devenir temporel au sein de l'être comme de la pensée."

"Le temps se définit par cette bifurcation « faire passer le présent et conserver le passé ». « C'est le présent qui passe, qui définit l'actuel », temps de Chronos, état de choses présent mais successif, tandis que

le virtuel est peut-être « l'éphémère», mais « l'éphémère qui conserve et se conserve »

"C'est pourquoi l'actuel définit « l'individu» alors que le virtuel est le plan d'immanence qui supporte et déclenche toutes les différenciations, sans se limiter pour autant aux actuels qu'il déclenche.

« Les actuels impliquent des individus déjà constitués, et des déterminations par points ordinaires; tandis que le rapport de l'actuel et du virtuel forme une individuation en acte ou une singularisation par points remarquables à déterminer dans chaque cas ».

D'où le statut remarquable du virtuel, qu'il ne faut pas confondre avec le Chaos:

« C'est ce qu'on appelle l'Événement, ou la part dans tout ce qui arrive de qui échappe à sa propre actualisation. [ ... ] Il est le virtuel qui se distingue de l'actuel, mais un virtuel qui n'est plus chaotique, devenu consistant ou réel sur le plan d'immanence qui l'arrache au chaos. Réel sans être actuel idéal sans être abstrait. On dirait qu'il est transcendant [ ... ] mais c'est l'immanence pure [ ... ], pure immanence de ce qui ne s'actualise pas [ ... ] la pure réserve »."

Le Vocabulaire de Gilles Deleuze
Sous la direction de Robert SASSO et Arnaud VILLANI

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