L'amour, la haine? Un autre moi, moi et elle

sábado, diciembre 28, 2013




"Jeanne Hyvrard, dans La jeune morte en robe de dentelle, exprime très
clairement

cette appropriation maternelle,

de dévorement : « Elle me dénie le droit à une existence propre, des désirs,
une volonté, un champ d’action.

Ce qui est à moi est à elle,

mes vêtements, mes affaires, mon corps (…). Dans cette matière ingrate qu’on
lui a fournie,

elle taille son clone. Moi.

La part de moi qu’elle utilise pour la remplir d’elle-même ».

La dimension de l’usage fait par la mère du corps de sa fille nous semble cruciale.
La « jeune morte » est la fille.

Enfermée dans un univers de fusion :

« Elle m’emmure vivante entre son corps refermé et la clôture du monde dont elle
m’interdit l’accès. Je ne peux ni retourner dans son ventre ni m’en aller. »"


"Ma recherche m’a menée, dans le passé, à m’interroger sur

les modalités du rapport fusionnel

entre une mère et son enfant, ..."


"En effet,

la fille est prise dans le mirage de la mère,

dans une dépendance qui colle à la peau, mais la mère est également
prise au jeu."


"... le fait que le ravage mère-fille est d’autant plus nocif  lorsque mère et fille ne se
confrontent pas directement à la haine qui prévaut entre elles. Mieux vaut un
ravage direct qu’un ravage à demi-mots, où le style et les gestes sont soignés."


"Chez Lessana : « Le ravage est une épreuve qui brise l’illusion tentante que mère
et fille ont quelque chose en commun, une communauté d’expérience érotique et
d’image. Cette illusion leur faisait supposer

une image pour deux."


"Je me suis dit que l’on écrivait toujours sur le corps mort du monde et, de même, sur le corps mort de l’amour. Que c’était dans les états d’absence que l’écrit s’engouffrait pour ne remplacer rien de ce qui avait été vécu ou supposé l’avoir été, mais pour en consigner le désert par lui laissé."
 (Marguerite Duras)


"Dans sa biographie, Jung écrit :

« Ce qu’elle me disait s’adressait à moi et me touchait jusqu’au plus profond de
moi-même de telle sorte que j’en restais généralement muet ».

Melenotte en conclue qu’une perturbation dans la relation à l’Autre serait ainsi
perceptible aussi bien chez Jung que chez sa mère, ce qui laisse supposer,
selon Melenotte un possible

cas de folie à deux partagée entre Jung et sa mère."


"Dans l’entretien qu’elle donne à Trouville à Pierre Dumayet en 1992,
Duras évoque l’écriture dictée :

« On a perdu ce pourquoi on écrit, cette espèce d’émerveillement devant
l’imaginaire qu’on ne connaît pas d’ailleurs, qu’on ne connaît pas. On l’a en soi.

Mais c’est comme toujours sous dictée."


"Duras lâche sa définition de la folie :

« Elle était folle de naissance dans le sang (…), elle n’avait pas d’interlocuteur ».

Être fou, c’est ne pas avoir d’interlocuteur.

Or, lorsque Duras parle d’écrire, elle pose un tableau adjacent. Écrire n’est pas un
acte volontaire. On écrit par nécessité C’est un acte désespéré, qui borde la folie :

« Quand on sort tout de soi, tout un livre, on est forcément dans l’état particulier
d’une certaine solitude qu’on ne peut partager avec personne »."


"Elle l’avait enfin absorbée,

cette mère tentatrice, cette mère martyre, cette mère qui n’a jamais connu
la jouissance mais qui a enfanté un enfant du sexe féminin qui sait si bien
d’instinct ce qu’est le désir." (Duras)


"La création artistique en général et l’écrit en particulier peuvent être abordés
comme l’engendrement

d’un « nouveau corps », qui serait un substitut du moi,

permettant d’arracher une personne à « une dépendance bien plus radicale que
la toxicomanie : l’aspiration dans le mirage de la Mère»."


"A propos de Joyce, Lacan rappelle dans Le sinthome que

« l’idée de soi comme corps » c’est l’égo.

L’égo est narcissique, car il porte le corps en tant qu’image.

Au lieu d’un moi fracturé, incapable d’être regardé par un autre similaire

de peur de se briser en mille morceaux, au lieu d’une « surface non investissable »,
ce corps féminin paralysé, absent à lui-même, surgit un nouvel objet. L’objet de l’écrit.
Nous avons parlé de l’image captivante, obsessionnelle, paralysante du corps de la
mère. A sa place, survient la matière de l’écrit, extérieure. Corps extérieur : barrage.

Ainsi, peut fleurir une nouvelle identité, un nouveau moi,

capable de déclarer « Ma mère, je ne l’aime plus »





 Mélanie Berthaud L’écriture féminine : Un barrage contre la folie maternelle?

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